Premier Chapitre
Chapitre premier : après la tempête…Quelque chose a changé. Hier encore, il en est sûr, il n’y avait pas autant de couleurs : les motifs étaient moins complexes. Didier Mangin, debout à sa fenêtre, une tasse de café à la main, scrutait son horizon de béton, guettant un mouvement, un son, qui trahirait les graffeurs. Pourtant, à cette heure de la nuit, ils auraient dû être à l’œuvre, pour profiter de l’obscurité et de la torpeur ambiante. Mais rien, pas un bruit, pas un souffle. L’œuvre luisait, encore fraîche. Un liquide amniotique, extrait des bombes de peinture, la maintenait à son état de nouveau-né, arrivé au monde à la suite d’un accouchement douloureux et sauvage.
Un long cri de fureur, de colère et de révolte résonnait dans sa mémoire. Le graffiti ranimait les souvenirs d’avant la catastrophe, quand il arpentait les rues de Lyon pour exercer son métier de flic. Autrefois, un ouvrage de ce genre n’aurait provoqué que des sourires furtifs sur les visages des passants, quelques haussements d’épaules indifférents. Autrefois, la liberté citoyenne imposait des règles de sécurité, d’urbanisme ou même d’hygiène, pour limiter la prolifération de cet art des rues. Aujourd’hui, que vous exprimiez votre opinion, votre art, ou que vous marquiez les limites de votre territoire, taguer un mur était devenu le symptôme d’un état plus grave pour la justice du directoire : vous deveniez membre d’un gang, coupable de sédition. Et vos bombages vous conduiraient au pénitencier.
Sur le mur, ce même graffiti sans motifs connus ni signature, sans message politique ni slogan. Simplement une œuvre naïve, mais aux traits précis et appliqués. Appliquée sur un mur borgne au sommet d’une terrasse. Visible uniquement par les habitants de la barre d’immeubles où il résidait, et par les drones de surveillance. Le travail d’un homme ou d’une femme, secrets, réservés, en mal d’expression. Solitaires, comme lui.
Le commandant Mangin tira les rideaux, prit son sac de voyage, son arme, et ferma la lourde porte d’entrée sans un regard en arrière. En bas, à peine avait-il eu le temps de finir sa clope, qu’un lourd véhicule blanc, genre 4X4 militaire camouflé en berline, surgit dans le halo du réverbère. Il s’arrêta devant lui. Mangin reconnut l’immatriculation d’un des véhicules, affectés à la PJ centrale de Nanterre. Le chauffeur bondit sur ses jambes fines et nerveuses. Un punk anachronique surgit dans ce quartier tranquille. Coupe de cheveux de samouraï peroxydé, piercings envahissants et lunettes connectées sur le nez, le lieutenant David Zarkowsky lança les clés de contact à son supérieur.
« Tu conduis, chef ! J’ai besoin de dormir. »
Secouant la tête, ce dernier répondit avec lassitude qu’il aurait préféré un véhicule plus discret. Le coffre s’ouvrit, Mangin y jeta son sac après un rapide inventaire du matériel embarqué : valises noires contenant les kits médico-légaux, ordinateurs et robots miniaturisés, spécialisés dans la collecte de preuves sur toutes sortes de scènes de crime. Des fusils semi-automatiques rangés dans leurs racks sécurisés, des parkas polaires et des chaussures de randonnée renforcées. Rien n’avait été oublié. Il sourit en imaginant son adjoint, jean moulant et perfecto new-age sur le dos, débarquant au milieu de la cambrousse ! Zarkowsky, surnommé Zarbi, vu son accoutrement, lui demanda ce qui pouvait bien le faire marrer : « J’ai fait au mieux. Tu m’avais dit que tu voulais une bagnole automatisée, avec un ordi de bord et un gros coffre. Ou alors, je piquais un des PC mobiles de la BRI. »
« T’aurais pu chouraver la Béhème du patron ! Pour ce qu’il s’en sert, ce gros sac. »
Ils rirent ensemble, et s’installèrent, le commandant au volant et son subalterne sur le siège passager, déjà transformé en couchette. Avant de s’endormir, le lieutenant s’enquit de la durée du voyage. Il quittait rarement Paris et sa région. Alors Marvejols, au cœur de la Lozère, isolée dans cette zone grise qui recouvrait tout le sud de l’Auvergne et des Cévennes, lui paraissait totalement étrangère et inquiétante.
« Risquer un cancer parce qu’un putain de bon gros citoyen majeur s’est fait la malle dans ce trou... T’es bien sûr que tu ne pouvais pas te faire dessaisir de cette affaire ? »
« L’ordre venait d’un procureur spécial. Et puis, un peu d’air frais ne te fera pas de mal. A part un rhume, tu ne risques pas grand-chose. »
« Ben, si tu le dis, chef. Bonne nuit ! » Il tourna la tête et s’assoupit aussitôt.
Zarbi avait passé la nuit à collecter les renseignements nécessaires et le matériel, et avait besoin de repos. Mangin n’avait pas, lui aussi, beaucoup dormi, occupé à réorganiser son équipe pour traiter les autres enquêtes en cours. La veille, en fin de journée, le commissaire Cordier lui avait balancé cette affaire, ordre prioritaire pour lequel son profil semblait adapté. Son nom était apparu en tête de liste pour s’en occuper. L’ordre émanait d’un procureur spécial qui, bien que jeune et novice, ne risquait pas d’être contesté. Une enquête pour disparition inquiétante, celle du professeur Georges Niemayer, doublé du meurtre de plusieurs personnes inconnues. La demande venait des services de gendarmerie locale et dépassait de loin leurs moyens. Depuis le redécoupage du territoire national, ceux-ci avaient été largement négligés par le Ministère de la Justice. Une nécessité pour le directoire, qui voulait centraliser ses services de police pour mieux contrôler les zones « vertes ». Diviser pour mieux régner sur des populations isolées dans les zones grises, ayant perdu jusqu’à leur citoyenneté. Mangin avait accepté sans délai. Ignorant les mises en garde de ses collègues et amis qui parlaient d’un vrai piège à cons, méprisant l’enthousiasme de son supérieur lui proposant une opportunité inouïe pour sa carrière. La Lozère représentait sa jeunesse lointaine et heureuse, passée à arpenter montagnes et forêts. Les souvenirs de sa famille et de bons amis disparus, des festins et de saines ivresses, dissipés depuis longtemps. Un spleen indéfinissable l’envahissait. Et surtout, l’opportunité de fuir, même un court instant, Paris. Excité, il régla le navigateur pour une conduite automatique, tant que le réseau routier le permettrait, et se plongea dans l’étude du dossier de l’enquête. Allumant l’écran holographique, il ouvrit les uns après les autres les fichiers informatiques, agitant ses doigts greffés de micro puces contre l’écran.
D’abord le dossier du professeur. Une photo anthropométrique en 3D d’un homme âgé apparut devant lui. Une constitution robuste, visage carré et larges mâchoires, front assez haut parsemé de rides traçant des sillons étroits jusqu’au-dessus de ses sourcils broussailleux. Deux orbites profonds que ses yeux bleus acier semblaient avoir creusé comme un torrent de montagne creuse la roche. Des cheveux blancs épais, ondulés sur le crâne. L’homme qu’il découvrait, avait l’apparence d’un vieux paysan, et non d’une sommité scientifique. Tournant sa main devant lui, Mangin commanda la suite du dossier et le buste du professeur se réduisit, tournant lentement à 90° comme pour une démonstration pendant un briefing où l’on affichait le portrait de la personne recherchée. Le CV de Niemayer s’afficha en dessous. Naissance le 13 août 1965, à Strasbourg, d’un père allemand et d’une mère française. Il avait la double nationalité, ainsi qu’un statut de citoyen de catégorie 1 ; cela le plaçait au niveau social d’un haut fonctionnaire fédéral. Des études brillantes à Francfort, puis au prestigieux MIT de Cambridge, USA, où il obtient un doctorat en biotechnologie, puis retour en France où il devient l’un des précurseurs du développement des nanotechnologies. En 1999, il participa à la fondation du MINATEC, l’un des principaux pôles de recherche dans ce secteur.
Mangin délaissa cette période, et les noms de ses divers collaborateurs. Il en connaissait certains, auteurs de découvertes ou membres éminents de l’élite scientifiques. Puis un mariage, suivi presque aussitôt d’un virage complet dans son cursus. Dès lors, Niemayer se focalisa sur l’agrobiologie et le développement d’organismes génétiquement modifiés. Non pour inventer des plantes à haut rendement ou des supers maïs résistants à tous les pesticides : désormais, le personnage sortit des sentiers battus, délaissa des recherches fructueuses et une vie plutôt opulente, pour l’aventure. Son nouveau doctorat en poche, il parcourut le monde avec sa jeune épouse et leurs deux enfants à la recherche de plantes rares, ayant la particularité de pousser en conditions extrêmes et sur des terrains hautement pollués, retenant dans leurs branches et leurs feuilles les métaux lourds, comme le nickel et le plomb. Revenu en France en 2005, il publia une thèse sur la phytoremédiation et prôna l’utilisation de plantes spécifiques pour la décontamination des sols industriels. Puis, en 2017, alors que notre bonhomme aurait pu se reposer sur ses lauriers et profiter d’une situation plus que confortable, nouveau virage. Cette fois, il finança ses propres recherches sur l’application de nanovecteurs sur des OGM, issus des plantes hyper-accumulatrices. Son but : créer des plantes capable d’extraire des sols des composés toxiques ou radioactifs beaucoup plus dangereux, comme le plutonium ou la dioxine. Des expérimentations au Japon, en Asie du Sud-Est, mais aussi en France et en Allemagne, Hongrie... Niemayer perdit en crédibilité. Ses travaux furent critiqués, mais il s’obstina et rédigea une dernière thèse en mars 2019 sur l’origine des biomatériaux, qui ne fut pas publiée en raison des événements qui secouèrent le pays et l’Europe. Ensuite, un grand vide de dix ans avant sa disparition.
L’enquête concernait également la découverte de corps. Nombre et identité inconnue. Rien dans ses entretiens avec la gendarmerie locale n’en mentionnait la présence. Leur représentante, l’adjudant-chef Nadia Prat n’ayant sonné l’alerte que pour un cas de disparition inquiétante, relayé par les services de police fédérale de Clermont-Ferrand. Etait-ce la raison pour laquelle on avait fait appel à la brigade criminelle pour une affaire qui dépassait ses priorités ? Il pensa à une erreur ou un oubli, et ne creusa pas plus loin.
Mangin revint sur son dossier familial, trouva une autre photo. Georges Niemayer en compagnie de sa femme et de leurs deux enfants devant une forêt en Nouvelle Calédonie. L’armoire à glace Niemayer, sourire éclatant et cheveux en bataille, tenait par l’épaule une frêle jeune femme, Alice Coltrane-Niemayer, brune, cheveux courts et visage fin, incroyablement harmonieux. Des lèvres fines qui dessinaient un sourire presque enfantin. Elle tenait une petite fille de quelques mois dans ses bras : Catherine. Michel, un petit garçon à la tête blonde, se tenait timidement à côté de son père. Mangin pointa son index sur le visage de la jeune femme, l’ordinateur l’encadra, la photo se rétrécit pour laisser la place au dossier d’Alice Coltrane. Née en 1977, dans une famille modeste de Pennsylvanie. Une autre grosse tête, se dit Mangin en consultant la liste de ses études et publications : biologie, agronomie puis agrochimie. Elle enchaîna trois doctorats dans des universités d’état mineures, tout en apprenant l’espagnol, l’allemand et le français. Contrairement au profil de son futur époux, plutôt apolitique, la jeune femme s’engagea à fond dans l’écologie et l’alter-mondialisme, publiant plusieurs thèses sur l’agriculture bio, l’utilisation néfaste des engrais et herbicides dans les exploitations géantes d’Amérique du Nord et du Sud. Elle contribua sans doute au changement d’orientation des travaux de son mari, qu’elle rencontra en juin 1999, à Paris, lors d’un colloque scientifique où elle s’incrusta avec quelques militants de Greenpeace. Ses travaux complétèrent ceux de Georges Niemayer lors de leur tour du monde.
Mangin tenta d’imaginer une jeune écologiste bardée de diplômes rencontrant un scientifique renommé, en âge d’être son prof et mesurant au bas mot un mètre cube de plus qu’elle. Elle le complétait en tous points, lui apportant les idées et les études qui lui manquaient pour devenir le précurseur dont le monde allait avoir grand besoin. Mais une fois encore, le CV s’arrêtait après 2019. Mangin obtint la fiche administrative biométrique d’Alice Niemayer. Après les événements, elle était toujours vivante, et toujours mariés avec Georges. Le commandant effaça les fiches, mettant côte à côte les bustes 3D des époux Niemayer. Leur deux têtes froides, au regard vide, tournèrent un moment devant ses yeux. Mangin s’étonna de leur différence entre la froideur présente et le bonheur passé de ce couple heureux, une vingtaine d’année auparavant. Le niveau de citoyenneté d’Alice Niemayer était moins important que celui de son mari, à cause de son passé de révoltes. Des activités qui lui valaient d’être désormais classée comme terroriste. Le dossier concluait : mandat de recherche en cours.
Aucun renseignement dans les dossiers des enfants Niemayer : soit ils étaient morts, soit on avait soigneusement effacé leurs traces. Mangin n’insista pas, et revint au contrôle de la navigation.
Ils avaient dépassé Clermont-Ferrand, et quelques kilomètres plus loin, ils n’auraient plus accès au GPS, et donc à la conduite automatisée. Mangin reprit alors les commandes et accéléra, réveillant le moteur thermique et son lieutenant. Zarbi redressa son siège, et s’exclama en baillant :
« Putain, t’es à 200 à l’heure sur cette route de merde ! »
« Il est presque sept heures, je ne voudrais pas arriver trop tard. » Concentré sur sa conduite, Mangin mit fin au débat. Des panneaux signalaient l’entrée dans la zone grise, conseillant de faire demi-tour aux personnes non autorisées. De l’autre côté, un péage barrait la route. Des postes de contrôle entourés de véhicules immobilisés, des barrières surmontées de barbelés : facile de rentrer, difficile de sortir. Autour d’eux, le paysage oscillait entre ruines calcinées et collines sauvages, hérissées de broussailles et de forêts. Les champs d’autrefois avaient été abandonnés, et la nature reprenait ses droits. L’ordinateur de bord signalait des niveaux de radiations fluctuant entre le négligeable et le mortel, selon qu’ils traversaient un pays vaguement peuplé de villages aux cheminées fumantes, ou un no man’s land glacé. Puis ils dépassèrent les vestiges d’une station-service.
« C’était peut-être pas une bonne idée de réveiller la bête ; on risque de ne pas trouver de carburant. »
« T’en fais pas, j’ai fait livrer tout le nécessaire à la brigade de Marvejols. C’est fou ce qu’un mandat fédéral signé par un ministre peut vous simplifier la vie. »
Zarbi émit un rire grinçant. La voix de l’ordinateur de bord continuait à signaler dangers, heure d’arrivée et d’autres choses encore. Zarbi reprit : « Fais gaffe, cette pétasse est pas sourde, en plus d’être bavarde ! »
Mangin resta silencieux. Peu lui importait qu’on l’ait choisi pour son passé de randonneur, sa connaissance des zones grises ou ses facultés d’adaptation. Un temps où le flair et l’intuition complétaient les outils modernes, sans être supplantés par eux. Pour le moment, il était surtout occupé à éviter les débris de bois et les cadavres d’animaux parsemant le bitume. Puis la voix mécanique signala une reprise possible du contrôle automatique.
« Elle déconne ou quoi ? » s’exclama Zarbi.
« De toute façon, on est arrivé. » Mangin ralentit alors pour emprunter la sortie conduisant à la ville. Scène de désolation aux faubourgs, zones commerciales abandonnées et pavillons en ruines, la vie semblait s’être concentrée au centre-ville. Il ouvrit sa fenêtre, respira l’air cinglant et chargé d’une douce fumée de bois, déclenchant les protestations de son subalterne qui grelottait. Il vérifia la position de la gendarmerie locale, située au sud, et donna un coup de volant pour éviter un 4x4 noir qui venait en face d’eux. Odeur de gas-oil, musique punk rock et regards sombres de jeunes autochtones, peu habitués à voir un véhicule de moins de trente ans.
« La vache, il ont de ces tronches dans ce bled ! » ricana le lieutenant.
Mangin referma sa fenêtre et continua sa route jusqu’à un dernier rond-point, tourna à gauche et s’engagea dans l’ancienne zone industrielle. Des piles de troncs d’arbres sur des centaines de mètres, écorcés et marqués de bandes rouges. Une scierie, plus ou moins active ; les machines semblaient figées par le froid, et les portes grandes ouvertes laissaient deviner les silhouettes des ouvriers travaillant au ralenti. Puis l’allée se finit en cul de sac, une place ronde donnant sur un grand portail. Derrière un ancien local industriel, deux Range Rover kaki étaient garées, et, sur le parking, un lot invraisemblable de carcasses, épaves ou pièces détachées. L’endroit ressemblait à l’atelier d’un ferrailleur, mais l’IA répétait inlassablement : « Vous êtes arrivés à destination! »
« Mais tu te fous de notre gueule, connasse ! »
« A quoi t’attendais-tu ? Viens, et prend les parkas dans le coffre. » Mangin ouvrit sa portière et se dirigea vers la porte d’entrée du bâtiment : fermée à clé, pas de sonnette. Il frappa, mais la lourde porte semblait blindée et ne lui renvoya qu’un écho sourd.
« Hey, par ici ! » Une voix féminine et claire résonna dans l’air glacé. Tournant la tête à gauche, Mangin vit une femme de grande taille, emmitouflée dans une parka de même couleur que les 4x4. Ses rangers et sa casquette bleu marine confortèrent le flic ; ils étaient bien arrivés. Mangin se présenta, ainsi que son officier, tendit la main à la gendarme qui la lui serra fermement après avoir ôté son gant. La poigne de fer le rassura : la jeune femme ne manquait pas d’assurance. Il soutint son regard.
« Adjudant-chef Nadia Prat, ravie de vous voir, messieurs les experts ! »
Mangin rétorqua, d’un ton posé : « Disons plutôt que nous sommes les renforts ! Evitons les formalités... »
L’adjudant-chef remit son gant. Elle toisa, l’un après l’autre, les policiers, puis arrêta son regard sur leur voiture. Elle reprit après un silence court mais pesant : « Vous avez raison. Mettons-nous au travail ! Garez votre engin à l’arrière du bâtiment. Il doit passer en décontamination, et ne nous sera pas d’une grande utilité là où nous allons. » Puis elle leur tourna le dos, indiqua l’une des Range-rover : « Vous pouvez y charger votre matériel, on part dans cinq minutes. »
Mangin grinça des dents ; le ton formel des quelques messages échangés plus tôt confirmait la froideur de cette rencontre avec la cheffe des gendarmes locaux. Manifestement, la guerre des polices continuait, et il faudrait composer avec. Zarbi lui tendit sa parka, il l’enfila par-dessus sa veste, et déposa son arme dans la poche ventrale.
« Tiens, t’as ressorti l’artillerie d’avant-guerre ? T’as raison, les débats risquent d’être houleux ! »
Mangin soupesa un moment le revolver dans sa poche, un Manu Rhin MR96 tirant des balles de .357 magnum. Réservé autrefois aux forces de police, un cadeau de son ancien supérieur, offert avant son départ pour Paris. Il en avait toujours rêvé, pour sa puissance, sa bonne prise en main, mais surtout son élégance rare d’outil de mort, calibré pour la justice.
Zarkowski l’imita, avec la version moderne : un automatique en polymère, tirant des projectiles de 228. Visée laser, bardé d’électronique... Seul son propriétaire, ou un membre des forces de police, pouvait l’utiliser, grâce aux implants dans leurs mains. Une puissance de feu maximum pour une efficacité mortelle, c’était ce qui prévalait désormais. Mangin ricana :
« On verra ce que tu en penses si jamais on croise des sangliers. Allez, on fait ce que la dame a dit. »
Interloqué, Zarbi aida son supérieur à transborder leur matériel, puis demanda : « C’est quoi, un sanglier ? »