Premier Chapitre
Reims, 2001Imaginez que vous vous appeliez Pétronille et que vous soyez une jeune femme de 35 ans, plutôt jolie, mais dotée d’un énorme handicap : Vous êtes très maladroite. Incroyablement maladroite ! Vous ne pouvez pas faire dix pas sans causer la chute d’un objet, ou manquer de blesser quelqu’un, quand ce n’est pas vous-même.
Vos amis vous ont affublée de quantité de surnoms avant d’y renoncer, estimant que le simple fait de s’appeler Pétronille suffisait à vous distinguer de vos pairs.
On se souvient facilement de vous : d’abord en entendant une personne vous nommer mais surtout en vous regardant vous précipiter vers cette dernière car immanquablement vous suscitez l’intérêt de votre entourage.
Vous aimeriez tant, dans un café par exemple, pouvoir vous lever tranquillement de votre chaise, prendre votre sac, votre manteau, saluer chacun de ceux qui sont auprès de vous, puis rejoindre la porte gaiement, l’ouvrir, sortir, puis la refermer. En rêve, vous allez même jusqu’à atteindre votre voiture sans que personne ne vous remarque.
Car vous possédez une voiture… Etrangement, il ne vous arrive jamais rien de sérieux lorsque vous êtes au volant. Vous maîtrisez plutôt bien cet engin et ne voyez à ce jour aucune raison de vous priver du plaisir de conduire. C’est un peu comme si cette carapace d’acier vous protégeait de votre propre comportement. Vous n’avez jamais pris le temps de comprendre pourquoi mais vous êtes promis de vous pencher un jour sur la question. Peut-être trouveriez-vous une salvatrice réponse…
Enfant, vous détestiez votre prénom. Pourquoi vos parents ont-ils été si mal inspirés alors que s’offrait à eux un univers de merveilles aux consonances si délicieusement conventionnelles : Valérie, Marie, Nathalie, Anne, Delphine, voilà qui vous aurait plu ! Interrogés sur la motivation de leur délit, vos géniteurs vous ont répondu qu’usensationnelle aïeule se prénommait ainsi et qu’en souvenir d’elle ils vous ont fait le cadeau de répondre toute votre vie au doux nom de Pétronille. Dans l’espoir de vous convaincre de votre chance, ils avaient allégué que bon nombre de filles aimeraient porter un prénom aussi original. Curieusement, aucune de vos amies ne vous enviait ce privilège.
Vous vous souvenez encore de la remarque d’une maman lors d’un goûter d’anniversaire. Vous étiez invitée à fêter les huit ans de votre petite camarade, l’heureuse bien nommée Claire, et votre déjà légendaire maladresse vous avait valu de faire tomber toutes les assiettes à dessert que vous étiez en train de débarrasser de la table. (Car vous êtes serviable !) Dans votre hâte à ramasser les morceaux, vous vous étiez pris les pieds dans les pans de la nappe entraînant dans votre chute le reste des festivités qui s’étala bruyamment sur le sol. Médusées, les fillettes s’exclamèrent :
Oh ! Pétronille !!
Vous relevant alors, les joues cramoisies par la honte, vous aviez retenu de justesse vos larmes en regardant la maman de Claire qui tentait de faire bonne figure malgré le spectacle désolant de sa vaisselle transformée en puzzle. C’est à ce moment que vous entendez une voix dans votre dos :
- Et en plus, elle s’appelle Pétronille…
Vous vous remémorez encore aujourd’hui l’état d’humiliation dans lequel vous vous trouviez à cet instant précis. Vous vous sentiez la plus ridicule des personnes que la terre ait jamais portée mais ne l’aviez courageusement pas montré, toute occupée que vous étiez à haïr, dans l’ordre : Vous-même, pour votre maladresse, la dame, pour sa clairvoyance, vos parents, pour leur égoïsme, et la maîtresse de maison pour ne pas avoir choisi de la vaisselle en carton.
A présent, vous vous êtes non seulement habituée à votre prénom, que vous vous autorisez même à apprécier quelque peu, mais aussi à cette manière très personnelle que vous avez de vous mouvoir dans l’espace. Vous assumez vos innombrables bévues et surtout vous n’essayez plus de changer. Vous êtes comme ça, imprévisible, et vous avez compris que votre distraction naturelle, à défaut d’être combattue, pouvait parfois être votre alliée et vous réserver des surprises…
sensationnelle aïeule se prénommait ainsi et qu’en souvenir d’elle ils vous ont fait le cadeau de répondre toute votre vie au doux nom de Pétronille. Dans l’espoir de vous convaincre de votre chance, ils avaient allégué que bon nombre de filles aimeraient porter un prénom aussi original. Curieusement, aucune de vos amies ne vous enviait ce privilège.
Vous vous souvenez encore de la remarque d’une maman lors d’un goûter d’anniversaire. Vous étiez invitée à fêter les huit ans de votre petite camarade, l’heureuse bien nommée Claire, et votre déjà légendaire maladresse vous avait valu de faire tomber toutes les assiettes à dessert que vous étiez en train de débarrasser de la table. (Car vous êtes serviable !) Dans votre hâte à ramasser les morceaux, vous vous étiez pris les pieds dans les pans de la nappe entraînant dans votre chute le reste des festivités qui s’étala bruyamment sur le sol. Médusées, les fillettes s’exclamèrent :
Oh ! Pétronille !!
Vous relevant alors, les joues cramoisies par la honte, vous aviez retenu de justesse vos larmes en regardant la maman de Claire qui tentait de faire bonne figure malgré le spectacle désolant de sa vaisselle transformée en puzzle. C’est à ce moment que vous entendez une voix dans votre dos :
- Et en plus, elle s’appelle Pétronille…
Vous vous remémorez encore aujourd’hui l’état d’humiliation dans lequel vous vous trouviez à cet instant précis. Vous vous sentiez la plus ridicule des personnes que la terre ait jamais portée mais ne l’aviez courageusement pas montré, toute occupée que vous étiez à haïr, dans l’ordre : Vous-même, pour votre maladresse, la dame, pour sa clairvoyance, vos parents, pour leur égoïsme, et la maîtresse de maison pour ne pas avoir choisi de la vaisselle en carton.
A présent, vous vous êtes non seulement habituée à votre prénom, que vous vous autorisez même à apprécier quelque peu, mais aussi à cette manière très personnelle que vous avez de vous mouvoir dans l’espace. Vous assumez vos innombrables bévues et surtout vous n’essayez plus de changer. Vous êtes comme ça, imprévisible, et vous avez compris que votre distraction naturelle, à défaut d’être combattue, pouvait parfois être votre alliée et vous réserver des surprises…
Reims, 2001
Imaginez que vous vous appeliez Pétronille et que vous soyez une jeune femme de 35 ans, plutôt jolie, mais dotée d’un énorme handicap : Vous êtes très maladroite. Incroyablement maladroite ! Vous ne pouvez pas faire dix pas sans causer la chute d’un objet, ou manquer de blesser quelqu’un, quand ce n’est pas vous-même.
Vos amis vous ont affublée de quantité de surnoms avant d’y renoncer, estimant que le simple fait de s’appeler Pétronille suffisait à vous distinguer de vos pairs.
On se souvient facilement de vous : d’abord en entendant une personne vous nommer mais surtout en vous regardant vous précipiter vers cette dernière car immanquablement vous suscitez l’intérêt de votre entourage.
Vous aimeriez tant, dans un café par exemple, pouvoir vous lever tranquillement de votre chaise, prendre votre sac, votre manteau, saluer chacun de ceux qui sont auprès de vous, puis rejoindre la porte gaiement, l’ouvrir, sortir, puis la refermer. En rêve, vous allez même jusqu’à atteindre votre voiture sans que personne ne vous remarque.
Car vous possédez une voiture… Etrangement, il ne vous arrive jamais rien de sérieux lorsque vous êtes au volant. Vous maîtrisez plutôt bien cet engin et ne voyez à ce jour aucune raison de vous priver du plaisir de conduire. C’est un peu comme si cette carapace d’acier vous protégeait de votre propre comportement. Vous n’avez jamais pris le temps de comprendre pourquoi mais vous êtes promis de vous pencher un jour sur la question. Peut-être trouveriez-vous une salvatrice réponse…
Enfant, vous détestiez votre prénom. Pourquoi vos parents ont-ils été si mal inspirés alors que s’offrait à eux un univers de merveilles aux consonances si délicieusement conventionnelles : Valérie, Marie, Nathalie, Anne, Delphine, voilà qui vous aurait plu ! Interrogés sur la motivation de leur délit, vos géniteurs vous ont répondu qu’une
sensationnelle aïeule se prénommait ainsi et qu’en souvenir d’elle ils vous ont fait le cadeau de répondre toute votre vie au doux nom de Pétronille. Dans l’espoir de vous convaincre de votre chance, ils avaient allégué que bon nombre de filles aimeraient porter un prénom aussi original. Curieusement, aucune de vos amies ne vous enviait ce privilège.
Vous vous souvenez encore de la remarque d’une maman lors d’un goûter d’anniversaire. Vous étiez invitée à fêter les huit ans de votre petite camarade, l’heureuse bien nommée Claire, et votre déjà légendaire maladresse vous avait valu de faire tomber toutes les assiettes à dessert que vous étiez en train de débarrasser de la table. (Car vous êtes serviable !) Dans votre hâte à ramasser les morceaux, vous vous étiez pris les pieds dans les pans de la nappe entraînant dans votre chute le reste des festivités qui s’étala bruyamment sur le sol. Médusées, les fillettes s’exclamèrent :
Oh ! Pétronille !!
Vous relevant alors, les joues cramoisies par la honte, vous aviez retenu de justesse vos larmes en regardant la maman de Claire qui tentait de faire bonne figure malgré le spectacle désolant de sa vaisselle transformée en puzzle. C’est à ce moment que vous entendez une voix dans votre dos :
- Et en plus, elle s’appelle Pétronille…
Vous vous remémorez encore aujourd’hui l’état d’humiliation dans lequel vous vous trouviez à cet instant précis. Vous vous sentiez la plus ridicule des personnes que la terre ait jamais portée mais ne l’aviez courageusement pas montré, toute occupée que vous étiez à haïr, dans l’ordre : Vous-même, pour votre maladresse, la dame, pour sa clairvoyance, vos parents, pour leur égoïsme, et la maîtresse de maison pour ne pas avoir choisi de la vaisselle en carton.
A présent, vous vous êtes non seulement habituée à votre prénom, que vous vous autorisez même à apprécier quelque peu, mais aussi à cette manière très personnelle que vous avez de vous mouvoir dans l’espace. Vous assumez vos Avec innombrables bévues et surtout vous n’essayez plus de changer. Vous êtes comme ça, imprévisible, et vous avez compris que votre distraction naturelle, à défaut d’être combattue, pouvait parfois être votre alliée et vous réserver des surprises…